L’acier représente un enjeu stratégique incontournable pour l’Europe, non seulement en tant que matière première essentielle pour des secteurs clés tels que la construction et l’automobile, mais aussi comme pilier de la souveraineté industrielle. Face aux défis contemporains, y compris la concurrence mondiale croissante et les impacts des politiques commerciales, la revitalisation de cette filière devient nécessaire pour assurer la prospérité économique et la sécurité du continent.
EN BREF
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L’acier, en tant que composant essentiel de l’industrie, représente un enjeu stratégique majeur pour l’Europe. Avec 80 milliards d’euros contribuant au PIB de l’Union européenne et soutenant plus de 2,6 millions d’emplois, la sidérurgie européenne fait face à des défis sans précédent. Dans un contexte de forte concurrence mondiale, de hausse des tarifs douaniers et de domination chinoise, l’avenir de l’acier en Europe est crucial non seulement pour l’économie, mais aussi pour la défense et la sécurité. Cet article examine les défis actuels auxquels le secteur est confronté, tout en explorant les ramifications de ces enjeux pour l’économie européenne.
La situation actuelle de la sidérurgie européenne
Depuis plusieurs années, la production d’acier en Europe a connu un déclin préoccupant. En effet, la production a diminué de près de 20% entre 2014 et 2023, entraînant une perte de 8% des emplois directs dans le secteur. Ce recul est principalement attribué aux ralentissements des secteurs de la construction et de l’automobile, tous deux grands consommateurs d’acier. Les prévisions de production pour 2023 s’annoncent particulièrement alarmantes, alors que l’Europe ne représente plus que 6,8% de la production mondiale, contre 9,3% en 2013, tandis que la part de l’Asie atteint 73,8%.
Les défis énergétiques
Un des principaux obstacles pour l’industrie sidérurgique est le coût de l’énergie. Actuellement, l’énergie représente environ 10% des coûts de production. Toutefois, l’escalade des prix de l’énergie depuis la guerre en Ukraine a particulièrement fragilisé le secteur. C’est un fait : le prix du gaz en Europe est quatre fois plus élevé que celui des États-Unis et l’électricité deux fois plus chère qu’en Chine. Cette disparité met les aciéries européennes en difficulté, augmentant la probabilité de délocalisations, de baisses de production et même de fermetures de sites.
Les implications de ces coûts énergétiques sont énormes, non seulement en termes d’emplois directs, mais aussi pour la chaîne d’approvisionnement industrielle dans son ensemble. La Fabrique de l’industrie estime qu’un doublement du prix de l’énergie pourrait menacer plus de 10 000 emplois dans la métallurgie française. Les entreprises doivent alors trouver des moyens innovants pour compenser ces coûts, ce qui les conduit à envisager des alternatives comme l’hydrogène décarboné pour remplacer le coke dans le processus de fabrication.
Le poids historique de la sidérurgie en Europe
La sidérurgie est profondément ancrée dans l’histoire européenne. La Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA), fondée en 1951, a été essentielle pour la reconstruction de l’Europe après la Seconde Guerre mondiale. Cette communauté a ouvert la voie à la création de l’Union européenne telle que nous la connaissons aujourd’hui. Les pays européens avaient alors leurs champions nationaux : Thyssen et Krupp en Allemagne, Usinor en France, et Finsider en Italie, représentant ainsi la puissance industrielle du continent.
Aujourd’hui, la réalité est différente : malgré la présence de 500 sites de production dans les 22 États membres, le secteur est marqué par une concentration croissante, les petites et moyennes entreprises (PME) luttant pour survivre face aux grandes multinationales comme ArcelorMittal. Ces grandes entreprises dominent la filière des hauts-fourneaux, tandis que des entreprises de taille intermédiaire prennent le relais dans la filière du four à arc électrique.
La menace de la surcapacité mondiale
En parallèle des défis internes, l’Europe doit faire face à une surcapacité mondiale de production d’acier, surtout provenant de la Chine. En 2024, le marché mondial a produit 600 millions de tonnes d’acier, où la Chine représente seule plus de 54% de la production. Toutefois, les méthodes de traitement de l’acier chinois, qui consiste à traiter l’acier dans des pays tiers avant de l’exporter, faussent la perception de cette situation. Selon Bruno Jacquemin, ces agissements affectent la concurrence loyale sur le marché européen.
Le ralentissement économique chinois a également entraîné une baisse de la consommation intérieure, poussant les producteurs chinois à inonder le marché international à des prix cassés. Mario Giuli a récemment déclaré que cette surcapacité est maintenant considérée comme un problème structurel et massif. Pour l’Europe, il devient crucial de trouver des mécanismes de protection pour sauvegarder la sidérurgie européenne dans un monde où les règles du commerce sont de plus en plus déséquilibrées.
Les efforts de Bruxelles pour soutenir l’industrie
Face à ces défis, la Commission européenne a répondu par un plan d’actions visant à soutenir l’industrie sidérurgique, qui a été annoncée le 19 mars. Ce plan inclut des mesures d’ajustement carbone aux frontières, un soutien renforcé pour les technologies de décarbonation et des instruments de défense commerciale. Par exemple, des mesures mises en place depuis 2019 pour taxer les importations d’acier indiquent un versant réglementaire fort adopté par l’Europe pour sauvegarder ses intérêts.
Le soutien à la défense européenne, qui prévoit 800 milliards d’euros d’investissements, pourrait également offrir des opportunités pour le secteur, notamment dans les domaines naval et terrestre, où l’acier est essentiel au blindage. Cela souligne l’importance de la synergie entre la politique industrielle et la défense, un point crucial pour l’avenir du continent.
La nécessité d’une politique cohérente
Malgré ces signes d’espoir, la question de la cohérence des politiques publiques demeure primordiale. L’incapacité de l’Europe à élaborer un plan d’action stratégique unifié pourrait compromettre ses ambitions industrielles. Ainsi, il est fondamental que les acteurs en aval, comme KNDS ou Safran, prennent également conscience de la souveraineté en matière d’acier, afin de rentabiliser les investissements prévus.
En parallèle, des initiatives concernant la décarbonation du secteur se développent, notamment avec l’intégration de l’hydrogène comme nouveau vecteur énergétique. Toutefois, l’accès à de l’hydrogène décarboné à un prix compétitif reste un objectif à atteindre. La transition énergétique se présente comme un défi à la fois stratégique et économique, et il est crucial pour les industriels de travailler ensemble afin de mener à bien cette transformation.
En résumé, l’acier se présente comme un enjeu stratégique incontournable pour l’Europe. Avec des défis structurels tels que la surcapacité mondiale, les coûts énergétiques exorbitants et les régulations commerciales, l’avenir de la sidérurgie européenne dépendra d’une réponse collective coordonnée et cohérente. L’enjeu est non seulement de garantir la pérennité d’une industrie essentielle, mais également de soutenir les milliers d’emplois qui en dépendent. Pour en savoir plus sur les mesures de protection de l’acier en Europe, consultez cet article sur les mesures de protection de l’acier, ou approfondissez vos connaissances sur le sujet de la décarbonation dans le secteur de l’acier.
Critères | Description |
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Production mondiale d’acier | En 2024, 600 millions de tonnes produites dans le monde. |
Part de l’UE | Réduction de sa part à 6,8% de la production mondiale. |
Impact de la Chine | 54% de la production mondiale d’acier provient de Chine. |
Emplois en Europe | Plus de 2,6 millions d’emplois soutenus par l’industrie de l’acier. |
Prix de l’énergie | Environ 10% du coût de production, influence négative clé. |
Développement durable | Besoin urgent de décarbonation du secteur sidérurgique. |
Protection commerciale | Nouvelles mesures de sauvegarde face aux droits de douane américains. |
Investissements dans la défense | 800 milliards d’euros alloués, opportunités pour le secteur. |
FAQ : L’acier, un enjeu stratégique incontournable pour l’Europe
Pourquoi l’acier est-il un enjeu stratégique pour l’Europe ?
L’acier est un matériau de base essentiel pour de nombreux secteurs industriels, y compris la construction, l’automobile et la défense. Sa contribution significative au PIB de l’UE et à l’emploi en fait un pilier fondamental de l’économie européenne.
Quel est l’impact de la guerre commerciale sur l’industrie de l’acier en Europe ?
L’industrie de l’acier en Europe fait face à des défis considérables en raison de la concurrence déloyale, notamment des surcapacités de production en Chine et des hausses des droits de douane imposées par les États-Unis.
Quelle est la part de l’acier européen dans la production mondiale ?
La part de production d’acier européen a diminué pour atteindre environ 6,8 %, comparativement à 9,3 % en 2013, tandis que l’Asie représente désormais 73,8 % de la production mondiale.
Quelles sont les conséquences de la hausse des coûts de l’énergie sur l’industrie de l’acier ?
La hausse des coûts de l’énergie, qui représente environ 10 % des coûts de production d’acier, a un impact direct sur la viabilité économique des aciéries, entraînant des fermetures et des délocalisations.
Comment l’Union Européenne soutient-elle l’industrie de l’acier ?
L’Union Européenne a annoncé plusieurs mesures de soutien, notamment des mécanismes d’ajustement carbone aux frontières, des investissements dans la décarbonation et des protections commerciales contre le dumping.
Pourquoi cette industrie est-elle cruciale pour la défense européenne ?
L’acier est indispensable pour la production d’équipements militaires et d’infrastructures de défense. La disparition de l’acier européen mettrait en péril la capacité de l’Europe à se défendre et à soutenir ses industries stratégiques.
Quels défis l’industrie sidérurgique européenne doit-elle surmonter pour l’avenir ?
L’industrie doit faire face à des contraintes de compétitivité face à la surcapacité mondiale, à la nécessité de décarboner ses processus de production et à l’adaptation aux fluctuations des marchés internationaux.